France : le Premier ministre de la dernière chance ?
En la personne de Sébastien Lecornu, c'est un collaborateur de longue date que le président français Emmanuel Macron a nommé au poste de Premier ministre. Jusqu'ici aux Armées, Lecornu succède à François Bayrou, qui a démissionné après avoir perdu le vote de confiance à l'Assemblée. Les commentateurs remettent en question la stratégie adoptée par Macron pour lutter contre la crise actuelle.
Jupiter a choisi un serviteur dévoué
La nomination à Matignon d'un vaillant soldat du macronisme est un affront pour le Parlement et pour le peuple souverain, estime The Spectator :
«Lecornu n'a ni la culture du compromis ni l'esprit fédérateur. C'est un homme dévoué à Emmanuel Macron, nommé pour maintenir le cap et protéger la ligne politique du président. Le choix de Lecornu est une sorte de provocation pour le Parlement, puisque le président n'a pas répondu à sa demande d'élargir la coalition ou de désigner une personnalité de gauche. ... Il s'agit d'une gifle pour le peuple français qui se prépare à un blocage national, d'un signal rappelant que Macron reste retranché derrière sa garde rapprochée, ignorant les demandes de changement.»
Le désenchantement profite à l'extrême droite
La population en a plus qu'assez, analyse Helsingin Sanomat :
«Chez les Français, c'est la désillusion qui règne en maître : ils ne font plus confiance à la politique qu'ils estiment incapable de changer les choses. Les médias et de nombreuses institutions nationales sont frappés de cette même défiance. Il est impossible de construire quelque chose de durable sur de telles bases ; la seule constante est le rejet persistant, depuis de nombreuses années, des gouvernements en place et de Macron. La situation s'aggrave à l'approche des élections présidentielles et législatives de 2027. L'extrême droite en récoltera les fruits.»
Le Ve République a fait son temps
Seul un changement de régime politique peut sauver le pays, fait valoir l'historien Nicolas Rousselier dans The Conversation France :
«La Ve République avait d'abord apporté la stabilité du pouvoir, la force d'entraînement vers la modernisation du pays et le progrès social. Ce n'est plus le cas. La disparition du fait majoritaire, combinée au dévoilement du caractère abyssal de la dette, nous plonge dans la désillusion des vertus attribuées à la Ve République. Pour la première fois depuis la création de la Vᵉ République en 1958, il n'y a donc pas d'autre choix que de refaire Parlement.»
Les inégalités sont devenus intolérables
Avec la nomination de Sébastien Lecornu, le président maintient le cap actuel, qui est désastreux pour la France, critique L'Humanité :
«Défait aux dernières élections législatives anticipées, Emmanuel Macron est le visage d'une oligarchie capitaliste qui n'a jamais hésité à renier la démocratie quand ses privilèges sont menacés. Il est le représentant d'une classe de cousus d'or réfractaires à tout partage des richesses et des pouvoirs. ... Une infime minorité capte une part croissante de la richesse nationale. C'est intenable. Ces inégalités abyssales, indécentes, la France, patrie de l'égalité, ne les tolère plus. Et sa colère est prête à déborder, quel que soit le nom du locataire de Matignon.»
Ecouter les revendications des laissés pour compte
Le nouveau chef du gouvernement doit trouver une réponse aux préoccupations de ses concitoyens, recommande Le Figaro :
«Bien qu'à la tête d'une minorité de gouvernement, Sébastien Lecornu doit se faire le porte-voix de la majorité oubliée, invisible, abandonnée. Pression fiscale et normative désespérante, dépenses délirantes, immigration incontrôlée, insécurité galopante… Les inquiétudes qui réunissent plus de deux Français sur trois sont connues. Depuis un an, dans un pénible carcan, Bruno Retailleau essaye d'y répondre. C'est cette ligne claire qu'il faut dessiner. Sous la pression de l'opinion, les députés suivront par surcroît. Le succès n'est pas garanti, mais l'autre choix, celui de la tambouille, mènerait à l'échec et au déshonneur.»
Dépasser les clivages
L'heure est à la coopération politique, souligne NRC :
«S'ils souhaitent apaiser la situation, les députés doivent prendre la responsabilité de la pagaille actuelle et tenter de trouver des compromis. L'ancien Premier ministre Gabriel Attal a fait une proposition intéressante : nommer un éclaireur chargé d'élaborer un pacte de coalition avec plusieurs partis. Pour cela, il faudrait que les politiciens arrêtent d'être obnubilés par leur nombril, les prochaines élections ou les mouvements sociaux, et mettent l'avenir de la France au premier plan.»
Du pain bénit pour l'extrême droite
Le choix de ce Premier ministre fait le lit du parti de Marine Le Pen, fait valoir The Guardian :
«La classe politique traditionnelle sera de nouveau confrontée à l'instabilité et la paralysie, ce qui ne manquera pas de souffler dans les voiles de l'extrême droite aux présidentielles de 2027. Si l'Elysée ne change pas fondamentalement de stratégie, on a du mal à voir comment le successeur de Bayrou pourrait mieux s'en sortir. ... Lors de son entrée en fonction, Macron s'était présenté en antidote à la montée de l'extrême droite. Mais le climat délétère et le désordre régnant dans la politique mainstream en France sont un cadeau inespéré pour Marine Le Pen. Il est tard pour le faire, mais Macron doit se résoudre à accepter les conséquences des élections anticipées de l'été dernier et forger un accord avec la gauche.»
Les éternels insatisfaits
Pour De Telegraaf, les Français sont à l'origine du chaos régnant :
«C'est un problème de mentalité : beaucoup de salariés français ne s’aperçoivent pas (ou refusent de le faire) qu'ils sont très privilégiés et ils font la révolution dès que l'on touche ne serait-ce qu'à une once de leurs richesses ou de leurs prestations sociales. ... Les salariés des autres pays européens ont bien compris d'où venait l'expression 'vivre comme dieu en France' [qui signifie : vivre comme un coq en pâte]. Il incombe au nouveau Premier ministre Lecornu de recoller les morceaux de la politique et de remettre le gouvernement du pays sur les rails. Une tâche quasi impossible avec un peuple aussi pourri gâté.»