Gibraltar : l'accord sur le Brexit sauvé

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez avait menacé jusqu'au dernier moment de faire échouer l'accord sur le Brexit, suite à quoi l'UE avait soutenu la demande de Madrid : la question de Gibraltar aura un statut particulier dans les négociations générales futures entre la Grande-Bretagne et l'UE. Toutes les décisions y afférent seront soumises à l'accord préalable de Madrid. Et pourtant, l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous dans les médias espagnols.

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eldiario.es (ES) /

Une comédie politique

Pour eldiario.es, l'accord obtenu sur Gibraltar n'est une réussite diplomatique qu'en apparence :

«Le Premier ministre Pedro Sánchez a raison quand il s'arroge les lauriers de la réussite politique et confirme que tout a été réglé et que l'UE ne pourra pas dorénavant agir sans l'accord de l'Espagne. Theresa May a raison quand elle dit que rien n'a changé, que tout dépend de la volonté politique de la Grande-Bretagne, et que celle-ci reste et demeure au niveau zéro. ... Vous aussi vous avez raison quand vous trouvez qu'on a fait beaucoup de chemin pour finalement retourner à la case départ. Car c'est exactement ce qui s'est produit. ... Mais au moins, ce fut un intermède divertissant.»

El País (ES) /

Un paradis fiscal méprisable, et rien de plus

El País s'étonne de l'attention que la petite péninsule réussit à attirer :

«Dans la configuration géopolitique actuelle, Gibraltar n'est rien d'autre qu'un résidu pathétique des ambitions dépassées des empires européens éteints. Sa seule véritable importance vient de son statut indigne de paradis fiscal, ce qui explique à la fois sa richesse et les emplois qu'il peut offrir à la population de la région. Tant que la communauté internationale tolérera que les paradis fiscaux continuent d'exister, Gibraltar restera important pour le marché du travail espagnol. ... Tout accord qui garantit des emplois est un bon accord, mais rien de plus.»

The Sun (GB) /

Touche pas à mon rocher !

Le journal à sensation The Sun est très remonté face à l'Espagne, laquelle menace de faire usage de son veto :

«Gibraltar est habité par des Britanniques qui à chaque scrutin, ont clairement fait part de leur volonté de rester dans le giron britannique. Les Espagnols n'ont pas plus de droits sur Gibraltar qu'ils n'en ont sur le Portugal. Mais ce n'est pas tout. Au vu du comportement des Espagnols, nous ne pouvons que nous réjouir de nous débarrasser enfin de l'UE. Un autre pays qui, non content d'être mal géré et failli, a en plus une grande gueule et essaie de nous dicter notre conduite. ... Que l'Espagne se permette de donner des instructions à la Grande-Bretagne est aussi impudent que si l'El Salvador se mettait à donner des ordres aux Etats-Unis. ... Nous devrions bien faire comprendre aux Espagnols que le statut de Gibraltar est un point qui ne sera jamais négociable tant que la majorité des habitants de la péninsule voudra rester britannique.»

Der Standard (AT) /

Les raisons de l'attachement à Gibraltar

Ceux qui croient que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez remet la question de Gibraltar sur le tapis pour détourner l'attention des problèmes actuels de politique intérieure font fausse route, lit-on dans Der Standard :

«Quand il évoque l''essence de notre nation' dans le contexte de Gibraltar, il pense ce qu'il dit. Il existe en Espagne des thèmes tabous que personne - du moins dans les grands partis - ne peut ni ne veut remettre en question. La revendication de Gibraltar est l'un de ces thèmes, la défense de la monarchie et de l'intégrité nationale de l'Espagne en sont d'autres. ... Ce sont ces valeurs éternelles qui compliquent souvent le travail de la politique. Il suffit d'en avoir conscience pour comprendre pourquoi Madrid ne trouve pas la solution à un autre conflit : celui de l'indépendance de la Catalogne. C'est cette même sempiternelle conception de l'Espagne qui fait barrage à la tenue d'un référendum d'un commun accord.»

The Daily Telegraph (GB) /

May aussi devrait persévérer dans les négociations

The Daily Telegraph fait remarquer que l'accord sur le Brexit n'a encore rien de définitif :

«Quoi de plus normal que les parties en négociation cherchent à arracher de nouvelles concessions jusqu'à la dernière minute ? ... L'Espagne et le reste des Etats membres de l'UE continuant d'exiger des concessions, Theresa May doit continuer de se battre pour défendre la cause britannique. Elle manquerait à son devoir en faisant comme si l'accord était déjà gravé dans le marbre, face à une UE qui essaie de le réécrire à son avantage. Il se peut que la cheffe du gouvernement soit impatiente de boucler l'affaire pour pouvoir la vendre aux Britanniques. Or si elle cesse de faire pression, elle se retrouvera avec un texte pire que celui qu'elle a accepté.»

El Mundo (ES) /

L'Espagne longue à la détente

El Mundo s'agace de ce que l'Espagne ait omis de défendre en temps voulu ses intérêts sur Gibraltar :

«Si Theresa May a survécu aux évènements dimanche, 20 pays représentant 65 pour cent de la population de l'UE (majorité qualifiée renforcée) décideront du sort de l'accord sur le Brexit. Son article 184 [qui ne prévoit pas de négociations bilatérales sur le sujet] pourrait s'avérer fatidique pour le destin de Gibraltar, de facto colonie et paradis fiscal. C'est notoire depuis que le texte de l'accord est connu. Aujourd'hui, une semaine plus tard, [le Premier ministre Pedro] Sánchez et [le ministre des Affaires étrangères Josep] Borrell vocifèrent, gesticulent, demandent des garanties, alors qu'ils ont eu amplement le temps d'évoquer la question pendant les négociations. Ou n'y avait-il pas un seul Espagnol dans l'équipe de négociation ?»

Blog David McWilliams (IE) /

Le suicide britannique, une chance pour l'Irlande

L'économiste et blogueur David McWilliams conseille à l'Irlande d'accueillir à bras ouverts les investisseurs rebutés par le Brexit :

«Avec le Brexit, le Royaume-Uni nous offre une autre occasion de préciser notre image de pays ouvert, propice au commerce, accueillant et intelligent, affranchis du leurre d'un mythe nationaliste et de l'illusion d'avoir un statut à part. Le Brexit est une attaque contre la mondialisation. Les investisseurs ne l'oublieront pas. ... Par comparaison au Royaume-Uni, l'Irlande fait figure de havre de bon sens. A ce titre, le Brexit fournit à l'Irlande une occasion commerciale inédite que nous devrions saisir des deux mains - avant que quelqu'un d'autre ne le fasse avant nous.»