L'Europe se concerte sur la question migratoire

Vendredi, les ministres de l'Intérieur de six Etats membres de l'UE se sont retrouvés sur le plus haut sommer des Alpes bavaroises (Zugspitze) et ont décidé de durcir la politique européenne en matière d'asile et d'immigration. Parmi les mesures prévues figurent notamment une augmentation des expulsions et l'externalisation des procédures d'asile vers des pays tiers. Dans ce contexte et sur fond des récentes émeutes d'extrême droite en Espagne, les commentateurs se demandent si l'Europe est sur la bonne voie en matière de politique migratoire.

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Frankfurter Rundschau (DE) /

Des décisions hors sol

Frankfurter Rundschau est déçu :

«Certaines décisions pourraient être bénéfiques, telles la suppression des doubles procédures à l'intérieur de l'UE. Mais d'autres sont hors sol. On évoque à nouveau la possibilité de bloquer les demandeurs d'asyle en dehors du territoire de l'Union tant que leur demande est en cours d'examen dans un Etat de l'UE. Mais ce modèle reposant sur l'intervention d'Etats tiers est contestable au regard des droits humains, en plus d'être extrêmement coûteux. Il est voué à l'échec. Alexander Dobrindt a répété à plusieurs reprises sa volonté de combattre les passeurs en durcissant la législation. Il est pourtant évident qu'au contraire, un durcissement boostera l'activité des passeurs. Car plus un pays durcit ses règles pour les personnes qui veulent faire une demande de droit d'asile, plus ces personnes seront tentées d'arriver à destination par l'intermédiaire de passeurs.»

Novinky.cz (CZ) /

L'imposture perdure

L'Europe est loin d'avoir trouvé une solution viable, déplore Novinky.cz :

«Le jour même de la réunion ministérielle, l'Allemagne a expulsé 81 Afghans condamnés pour délits. Sur les 11 000 qui, selon la décision des autorités, n'ont plus rien à faire en Allemagne depuis longtemps. Les statistiques d'Eurostat sont également édifiantes : d'après les chiffres, près de 2 500 personnes déposent une demande d'asile chaque jour dans les pays européens depuis 2024. Chaque jour ! Que retenir de la rencontre des ministres de l'Intérieur en Bavière ? Qu'ils continuent de se moquer de nous en nous faisant croire qu'ils prennent les choses en main.»

El Mundo (ES) /

Eviter la politique de l'autruche

El Mundo appelle à ne rien taire dans le débat :

«Les propos qui stigmatisent une partie de la population sont inacceptables et doivent être condamnés avec la plus grande fermeté. Mais il est irresponsable de nier les éventuels problèmes d'intégration et de cohabitation qui découlent de l'immigration en accusant de racisme tous ceux qui tentent d'ouvrir le débat. Pour gérer les flux migratoires correctement dans l'optique de mettre en place une immigration légale et ordonnée, il faut faire preuve de réalisme et de volonté politique. Sinon, c'est le populisme qui l'emportera.»

El Periódico de Catalunya (ES) /

Toujours les mêmes erreurs

El Periódico de Catalunya se demande pourquoi les responsables politiques européens ont du mal à tirer les bons enseignements et à mieux anticiper les conséquences de l'immigration :

«Dans toutes les sociétés européennes, on observe plus ou moins le même phénomène. ... Les immigrés bouleversent les habitudes du lieu qui les accueille car leur arrivée n'a pas été bien préparée. Comme il n'y a jamais de mesures préparatoires, on en arrive à des conflits qui sont généralement mal gérés. ... [La petite ville de] Torre Pacheco [dans la région de Murcie] compte 41 684 habitants, dont 11 927 sont des ressortissants de pays non membres de l'UE. Des bouleversements sociologiques d'une telle ampleur requiert une gestion intelligente, faute de quoi on fait le lit des malentendus, du rejet et de la haine.»

Krytyka Polityczna (PL) /

La gauche face à un dilemme

Krytyka Polityczna réfléchit à ce que pourrait être une politique migratoire de gauche :

«La priorité de la gauche doit-elle consister à défendre les droits universaux, y compris s'agissant de minorités dont les valeurs entrent en contradiction avec ces droits ? Ou son premier combat doit-il consister à défendre ces minorités contre la stigmatisation, le racisme et l'exploitation ? La gauche européenne est divisée sur la question, et la gauche polonaise devra elle aussi développer ses propres positions. ... Est-il possible de trouver un juste milieu entre le modèle danois [limiter l'immigration et renforcer l'intégration], d'une part, et la 'société migratoire démocratique et sociale' du programme du parti allemand Die Linke, d'autre part ? Malheureusement, il n'existe pas de recette universelle de gauche pour résoudre les problèmes liés à la migration. Chaque pays doit trouver ses propres réponses en fonction de sa situation.»