Famine à Gaza : l'Occident se mobilise-t-il suffisamment ?
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde contre les effets de la famine à Gaza. Le blocage des aides ainsi que les attaques et le chaos au niveau des points de distribution de nourriture entraînent une hausse du nombre de morts. Une situation aussi vivement critiquée dans la déclaration publiée lundi, désormais signée par 30 Etats, appelant Israël à mettre immédiatement fin à la guerre. Les éditorialistes se demandent si dans ce contexte, de simples appels peuvent suffire.
Faire pression pour obtenir la paix
On ne peut se contenter de lancer seulement des appels à Israël, fait valoir le portail In :
«Il est évident que tant que l'Etat hébreu ne sera pas soumis à une véritable pression, tant qu'il restera considéré comme un allié, un interlocuteur, un partenaire commercial et un investisseur et, bien entendu, tant qu'il continuera à bénéficier d'aides militaires, il poursuivra ses actes de violence - du moins tant que le gouvernement d'extrême droite de Nétanyahou sera au pouvoir. Pire encore : les voix en Israël qui appellent dès maintenant à perpétrer un nettoyage ethnique se feront de plus en plus entendre. Ainsi, il est temps de dire clairement qu'en l'absence de véritable pression, il ne peut y avoir de paix, et que la situation se détériora davantage.»
Décréter un embargo sur les armes
Il faut punir l'organisation délibérée de la famine, réclame un groupe de juristes dans une tribune au journal Le Monde :
«En tant que spécialistes du droit international humanitaire, nous condamnons l'utilisation de la famine comme arme de guerre, le détournement de l'aide à des fins de nettoyage ethnique, et les politiques génocidaires menées contre les Palestiniens à Gaza. ... La France et l'Union européenne doivent sanctionner ceux qui organisent délibérément la famine en entravant l'accès à l'assistance humanitaire, et mettre en place un embargo total sur les armes contre Israël. Enfin, la Cour pénale internationale (CPI) doit approfondir ses enquêtes sur ces pratiques et envisager la poursuite des responsables de cette famine organisée en tant que génocide.»
Donner une voix à la colère et à l'impuissance
Aux Pays-Bas, la frustration éprouvée face au drame qui se déroule au Proche-Orient et à la passivité du gouvernement ne cesse de grandir, constate NRC :
«Jamais le manque d'humanité n'avait été aussi perceptible qu'à Gaza. Le sentiment d'impuissance est généralisé. L'écrasante majorité des citoyens néerlandais veut que la violence cesse, mais elle constate seulement que celle-ci ne fait que s'aggraver. ... Il n'est pas seulement question d'exercer une influence, mais aussi de donner une voix à une colère sourde et impuissante qui ne cesse de s'accroître. Gaza est l'étalon moral de notre époque, le Vietnam de notre temps. Il faut qu'il trouve un écho au sein de la politique néerlandaise.»
Une telle destruction est délibérée
A Gaza, le Hamas n'est manifestement pas la seule cible d'Israël, s'indigne Irish Examiner :
«Une part estimée à 90 pour cent des bâtiments de Gaza a été détruite ou endommagée. La plupart des plus de deux millions d'habitants ont été chassés. Un tel niveau de destruction délibérée doit être motivé par une politique volontaire. L'ampleur est si catastrophique que les affirmations selon lesquelles les seules cibles seraient les milices, tunnels ou stocks d'armes cachés du Hamas deviennent peu crédibles. Si les responsables politiques et militaires israéliens continuent à affirmer vouloir protéger la population civile, ces propos sonnent creux au vue du chiffre élevé de civils qui meurent à Gaza.»
Le problème reste le Hamas
Israël ne saurait être qualifiée de coupable, serine The Daily Telegraph :
«Si le Royaume-Uni et les autres signataires aspirent vraiment à un 'cessez-le-feu durable et sans conditions' à Gaza, comme cela est dit dans l'appel, alors ils devraient concentrer leurs efforts sur une nécessité : contraindre le Hamas et ses soutiens en Iran à reconnaître l'inévitable et à accepter la fin de la présence de l'organisation terroriste à Gaza. ... Si le Hamas préservait ne serait-ce qu'une once d'influence sur le territoire, le peuple israélien resterait exposé à une nouvelle attaque terroriste dévastatrice. Voilà pourquoi le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, insiste pour qu'il ne puisse pas y avoir de paix à Gaza tant que le Hamas y sera présent.»
Les terroristes ne méritent aucun soutien
Le quotidien Kronen Zeitung critique la signature de la ministre autrichienne des Affaires étrangères :
«Même si c'est peut-être involontaire, cela revient à soutenir l'organisation terroriste du Hamas, qui ne semble toujours pas prête à conclure un cessez-le-feu. Ce n'est pas pour rien que ni l'Allemagne, ni la cheffe de la diplomatie européenne [Kaja Kallas] n'ont signé cet appel. Et que le chancelier [autrichien Christian] Stocker ait choisi de garder le silence.»
L'attitude déplorable de l'UE
Le rédacteur en chef de La Vanguardia, Jordi Juan, critique l'inaction de l'Occident :
«Il est vraiment éreintant de devoir rappeler sans cesse que oui, le Hamas a bien perpétré un terrible massacre, mais que cette attaque terroriste ne saurait servir de justification à la campagne de destruction menée contre le peuple palestinien. ... Que c'est une honte de tuer des Gazaouis en train de faire la queue pour obtenir de la nourriture ; que c'est une honte de rationner les aliments distribués à la population, en vue de faire de la faim une arme de guerre ; et que c'est une honte, surtout, que l'Occident soit incapable de mettre fin à la guerre. ... Il n'y a pas grand-chose à attendre de Donald Trump, mais l'attitude de l'UE a été assez déplorable.»
Rappeler la cause du conflit
L'appel lancé à Israël serait plus convaincant s'il se doublait d'une critique du Hamas, écrit Frankfurter Rundschau :
«A ce moment-là, le gouvernement israélien ne pourrait pas tout simplement chasser d'un revers de main l'initiative, en rappelant que ses instigateurs n'ont pas compris la menace qui pesait sur Israël. ... En ajoutant cette précision, peut-être que plus qu'une minorité à Israël serait prête à voir la souffrance des Palestinien·ne·s et à pousser le gouvernement à mettre fin à la guerre et à l'enfer qui sévit à Gaza. Quand on perd de vue l'enjeu central du conflit, on prend le risque d'alimenter le cercle vicieux et éreintant des arguments. Ou on a déjà accepté qu'il n'y a pas d'issue à ce conflit.»
Le monde musulman doit sortir de sa passivité
Le monde occidental n'est pas le seul responsable des souffrances à Gaza, pointe Star :
«Avec le soutien des Etats-Unis, Israël tue cruellement des dizaines de Palestiniens chaque jour dans la bande de Gaza, en plus d'utiliser la faim comme arme systématique contre deux millions de personnes. ... Les deux milliards de personnes que compte le monde musulman assistent à la tragédie en spectateurs passifs. ... La situation actuelle n'est pas le résultat d'un manque de moyens ou de dons. Des milliers de tonnes d'aliments, de médicaments et d'autres biens attendent à la frontière. ... Ce n'est donc pas une question de pénurie, mais un problème lié au blocus ordonné par Israël, et à l'inertie des gouvernements des Etats musulmans.»
Au Hamas de jouer
L'appel ne fait pas la part des choses, écrit De Telegraaf :
«Le Hamas peut mettre fin à la guerre en se rendant et en libérant les otages. Depuis la semaine passée, une proposition de cessez-le-feu prévoyant une amélioration du système de livraison d'aides à Gaza est dans les tuyaux. Israël a fait les concessions nécessaires et accepté la proposition. C'est au tour du Hamas de jouer. La déclaration des 28 pays intervient à un stade délicat des négociations, car le Hamas n'a pas réagi aux propositions israéliennes. Les terroristes n'ont toutefois pas tardé à saluer la déclaration des 28. Tant que la pression ne s'exercera que sur un camp, sur Israël, le Hamas se frottera les mains.»
L'appel pourrait avoir un effet
Il reste un mince espoir de paix, fait valoir El País :
«Il s'agit du revers diplomatique le plus cinglant essuyé par Benyamin Nétanyahou. ... Dans un appel virulent, les pays signataires condamnent notamment ce qu'ils nomment 'l'aide au compte-gouttes et les morts inhumaines'. ... Jusque-là, Nétanyahou n'a pas changé d'un iota sa politique de destruction totale. Au contraire, le leader du Likoud a affiché une image d'impunité face aux instances judiciaires internationales, convaincu que rien ne viendrait altérer la relation privilégiée qu'Israël entretient avec les pays les plus développés. Il faudra voir si la récente initiative de certains d'entre eux viendra allonger la liste des belles paroles sans lendemain, ou si elle contribuera à mettre un terme au massacre d'innocents.»
Sans équivoque possible
Les lignes bougent, se réjouit également Corriere del Ticino :
«On en reste malheureusement au stade des appels, et cela ne va pas plus loin. Mais au moins le ton des 25 ministres des Affaires étrangères est sans équivoque, dès les premiers termes : 'Il faut immédiatement mettre fin à la guerre à Gaza'. ... Nous avons mentionné l'absence de l'Allemagne. Il faut souligner néanmoins que le chancelier Friedrich Merz a pris la parole hier et a indiqué que les actions contre la population civile à Gaza violaient le droit humanitaire, tout en rappelant toute l'importance de 'maintenir ouvertes les portes du dialogue'.»
La responsabilité évidente d'Israël
Pour Corriere della Sera, l'appel est parfaitement légitime :
«Il ne s'agit pas seulement du nombre disproportionné de victimes à Gaza ou des méthodes inhumaines infligées aux personnes affamées, en quête de nourriture, qui poussent l'Occident à ne plus tolérer la guerre de Nétanyahou. ... Il est certes important, mais pas décisif, de savoir si les personnes qui font la queue pour obtenir du pain sont abattues de manière délibérée ou par erreur, ou de savoir si ce sont bien des soldats israéliens qui tirent. En tout état de cause, le pays est occupé et contrôlé par les forces armées israéliennes, et les médias se voient refuser un accès indépendant ; voilà pourquoi tout ce qui s'y passe, le désordre qui y règne, procèdent dans tous les cas de la responsabilité politique d'Israël.»
Ce que l'UE peut faire concrètement
L'UE devrait se mobiliser sur le terrain, préconise De Morgen :
«[La commissaire européenne à la Gestion des crises Hadja] Lahbib et la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, pourraient proposer l'envoi d'une mission humanitaire européenne. ... L'UE dispose déjà de deux missions dans les territoires palestiniens, qui pourraient servir de tremplin pour lancer une telle mission. ... Rien n'empêche la Commission de proposer de transformer [la mission européenne d'assistance à la frontière] EUBAM Rafah en une plateforme d'intervention humanitaire à part entière. On pourrait aussi la doter, par exemple, d'une force de police, par exemple avec des agents européens et jordaniens neutres.»