Guerre en Ukraine : Trump perd-il patience avec Poutine ?

Le président américain, Donald Trump, a fortement réduit le délai de l'ultimatum adressé à Moscou, qui exige la fin des hostilités contre l'Ukraine. Au lieu des 50 jours qu'il avait initialement fixés à partir de la mi-juillet, il entend désormais ne laisser au président russe, Vladimir Poutine, que 10 jours pour conclure un cessez-le-feu. Passé ce délai, Washington menace d'infliger des droits de douane pouvant atteindre 100 pour cent aux partenaires commerciaux de la Russie. Les chroniqueurs débattent des conséquences possibles de cette annonce.

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Süddeutsche Zeitung (DE) /

Rien que du bluff et de la surenchère

Le quotidien Süddeutsche Zeitung s'interroge sur la faisabilité des droits de douane punitifs annoncés à l'encontre des partenaires commerciaux de la Russie :

«Pékin a montré récemment comment elle entendait réagir à ce type de menaces. Lorsque Donald Trump a voulu imposer des droits de douane de 145 pour cent sur les importations chinoises, la Chine a immédiatement suspendu ses livraisons de terres rares aux Etats-Unis. Du coup, la question de tarifs douaniers à trois chiffres a vite été balayée. Dix ou douze jours d'ultimatum, des droits de douane de 100 pour cent, voire de 500 pour cent, ce ne sont que des chiffres lancés au hasard, du bluff et de la surenchère. Une manœuvre destinée à masquer un raté, celui de Trump, qui se vantait de pouvoir mettre un terme au conflit en Ukraine en l'espace de 24 heures, et qui n'a pas la moindre idée de la manière dont il pourrait convaincre Poutine de conclure un cessez-le-feu.»

Novinky.cz (CZ) /

Moscou ne comprend que le langage de la violence

Novinky.cz affiche lui aussi son scepticisme :

«On peut supposer qu'à l'issue de l'ultimatum, Donald Trump mettra en œuvre les sanctions sévères annoncées à l'encontre de la Russie. ... A l'en croire, Poutine en redouterait l'impact. Car, oui, la Russie traverse bel et bien une crise économique et financière. L'Etat manque de liquidités et certaines régions souffrent même de pénuries de denrées alimentaires de base. Pourtant, Moscou poursuit son effort de guerre avec une détermination intacte. Mais les sanctions ne mettront pas un terme au conflit. La Russie ne comprend que le langage de la force brute. Il nous faut l'apprendre rapidement et permettre enfin à l'Ukraine de riposter avec la même dureté, la même fermeté. Faute de quoi, il nous faudra peut-être tous réapprendre le russe.»

Oleksiy Panytch (UA) /

Un bras de fer avec l'Inde et la Chine

Le message de Donald Trump ne s'adresse pas tant à Poutine qu'à l'Asie, écrit le blogueur Oleksiy Panytch sur Facebook :

«Les véritables destinataires de la déclaration de Trump sont l'Inde et la Chine, avec lesquelles les Etats-Unis sont actuellement en pleines négociations tarifaires. Il s'agit là d'une tactique destinée à leur mettre la pression. Soit ces deux pays se montrent conciliants, soit Trump se verra 'contraint' de les sanctionner par des droits de douane, en invoquant leur intransigeance. Et déjà le prétexte est tout trouvé. 'Poutine refuse de mettre fin à la guerre, et vous, vous continuez d'acheter son pétrole.' Dès lors, plus ils céderont à cette pression sur la question des droits de douane, moins il y aura de chances que l'ultimatum adressé à la Russie ne débouche sur des mesures concrètes. »

The Daily Telegraph (GB) /

Le Kremlin s'est fourvoyé

Le président russe a sous-estimé la détermination de son vis-à-vis américain, analyse The Daily Telegraph :

«La conviction de Poutine, selon laquelle Trump ne faisait que bluffer, s'est révélée être une dangereuse erreur d'appréciation. Il semble être parti du principe que Trump retirerait son soutien militaire une fois en poste, et qu'il donnerait carte blanche à la Russie pour continuer son agression. Des vues erronées. ... Trump a perdu patience face à la tactique russe, faite de louvoiements et d'obstructions délibérées. Les conséquences de ce revirement pourraient faire regretter à Poutine d'avoir mené Trump en bateau.»

La Stampa (IT) /

Le président américain se sent trompé

Trump et Poutine ne peuvent pas se comprendre l'un l'autre, explique La Stampa :

«En tant qu'homme d'affaires, Trump ne peut comprendre qu'un pays puisse faire le choix de l'appauvrissement et de l'isolement. ... En tant qu'agent du KGB ayant grandi dans un monde où l'argent n'avait aucune valeur, Poutine, pour sa part, ne peut comprendre qu'on puisse parler affaires quand on traite de pouvoir : pour lui, c'est le pouvoir qui génère des richesses, jamais l'inverse. Les concessions offertes par 'le maitre de la négociation' ont été interprétées par Poutine comme une faiblesse : il n'a donné aucun signe de compromis, élevant au contraire la mise. Aujourd'hui, Trump se sent dupé par Poutine, et il lui pardonnera difficilement l'humiliation infligée à son 'art de la négociation'. Six mois après, c'est donc retour à la case départ.»

Radio Kommersant FM (RU) /

Rien ne s'est passé jusque-là

Il n'y a rien de neuf dans les propos de Trump, juge le journal pro-Kremlin Radio Kommersant FM :

«Ce n'est pas la première fois que le locataire de la Maison-Blanche lance un ultimatum à la Russie. La rhétorique ne cesse cependant de se durcir, et on rentre dans le concret. Mais il ne faut pas oublier que Trump est aussi un spécialiste du rétropédalage et qu'il change volontiers son fusil d'épaule. ... Comme le président américain l'admet lui-même, il a cédé à plusieurs reprises, et retiré son exigence principale après l'obtention d'un cessez-le-feu. Mais il est désormais prêt à recourir directement à ses moyens de pression, même s'il ne s'est encore rien passé. Et peut-être, du reste, qu'il ne se passera rien.»