Plan en 20 points pour Gaza : une opportunité de paix ?
Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a accepté la proposition de paix en 20 points présentée par le président américain, Donald Trump, pour mettre fin à la guerre à Gaza. Le Hamas, qui n'a pas participé à l'élaboration du plan, doit toutefois encore l'approuver. Celui-ci prévoit notamment que l'organisation terroriste libère tous les otages et dépose les armes. En contrepartie, l'armée israélienne devra se retirer de la bande de Gaza. Les médias se demandent si ce plan peut mettre fin à la guerre.
Une lueur d'espoir
De Morgen entrevoit une issue :
«Pour les Palestiniens, se profilent à l'horizon, à très long terme, le droit à l'autodétermination et même la perspective de disposer d'un Etat. ... Le réalisme, voire le scepticisme, restent de mise. ... Mais il se pourrait qu'un léger changement ait eu lieu. Le monde arabe aspire lui aussi à une issue plus ou moins pacifique pour les Palestiniens, et il est conscient que celle-ci ne passe pas par le Hamas. Nétanyahou comprend lui aussi qu'un énième stratagème géopolitique ne ferait qu'isoler son pays, comme cela a été visible la semaine dernière lors du sommet de l'ONU.»
Les Palestiniens sur la touche
Politiken salue le plan mais déplore son manque d'équité :
«Le point positif, c'est surtout que le plan impose la fin de la guerre et le retrait d'Israël de la bande de Gaza. Dans le même temps, il est important que les Etats-Unis et les pays arabes assument une part de responsabilité dans la reconstruction, et que l'on mette un terme aux spéculations sur une possible expulsion des Palestiniens de la bande de Gaza. Avec le projet d'amnistie pour les combattants du Hamas et la menace de laisser les coudées franches à Israël, ce plan est en réalité un ultimatum au Hamas. Le point négatif, c'est que ce plan est totalement unilatéral et que ni le Hamas ni l'Autorité palestinienne n'ont été impliqués.»
Impuissants et vulnérables
Le sort des Palestiniens reste en suspens, déplore également le quotidien Irish Examiner :
«Compte tenu de leur puissance et de leur influence dans la région, les Etats-Unis n'auraient-ils pas pu obliger plus tôt Israël et le Hamas à s'asseoir autour de la table ? ... Des milliers de vies palestiniennes auraient pu être épargnées si un plan de la sorte avait été mis en œuvre dans de meilleurs délais. Les lecteurs vigilants remarqueront également une carence notoire dans le plan de paix : la prise en compte de la population de Gaza. Après des mois d'attaques armées et de famine provoquée par Israël, son avenir est désormais tributaire des considérations de tiers. Il s'agit de l'expression ultime de son impuissance et de sa vulnérabilité.»
Un blanc-seing davantage qu'un plan de paix
Il Manifesto y voit un dérivatif :
«La question principale, c'est de savoir si le plan de Trump est vraiment un plan de paix ou bien un plan visant à poursuivre la guerre. Une interrogation que vient renforcer une phrase inquiétante prononcée par le président américain : si le Hamas rejette le plan, Trump a promis qu'Israël bénéficierait du 'soutien total des Etats-Unis' pour poursuivre sa guerre. Cela signifie que Nétanyahou aura à tout moment la possibilité de torpiller le projet. ... Israël a certes dû faire quelques concessions. ... Mais le plan ne comporte pas de date prévoyant le retrait de Tsahal de la bande de Gaza.»
Avec Blair, le lobby du pétrole aux manettes
Un rôle important pourrait échoir à l'ex-Premier ministre britannique Tony Blair dans le plan de paix à Gaza. Naftemporiki y voit une décision malheureuse :
«C'est un politique honni par de nombreux Arabes au Proche-Orient, car il avait favorisé l'invasion américaine en Irak en 2003 en avançant de faux arguments. Blair est aussi considéré aujourd'hui comme l'incarnation des liens étroits entre politique occidentale et économie. Par ailleurs, il lorgne sur les ressources gazières au large de Gaza. ... Gaza ne deviendra peut-être pas la 'riviera' que le président Trump et les barons de l'immobilier s'étaient imaginés, mais plutôt le nouvel 'eldorado' des groupes pétroliers au Proche-Orient.»
Encore loin d'une solution durable
Même si la guerre à Gaza s'achevait, il faudrait du temps avant de parvenir à une paix véritable, souligne Salzburger Nachrichten :
«Ces deux dernières années, les deux camps se sont radicalisés ; de part et d'autre grandissent des générations traumatisées, qui ne connaissent que la haine de l'autre et qui plébiscitent des forces politiques qui ne font qu'attiser cette haine. Si le plan de paix devait être mis en œuvre, cela ne resterait qu'un plan – il ne s'agirait pas encore de paix. Car il faudrait encore apaiser les esprits et rétablir la confiance. Ce soi-disant 'conseil de la paix' devrait veiller à ce que les forces modérées soient privilégiées, et miser sur l'éducation. Car deux peuples traumatisés se battent pour que leurs traumatismes soient reconnus.»
Difficilement réalisable mais prometteur
Malgré des difficultés prévisibles, l'initiative constitue une première étape encourageante, écrit Visão :
«Elle prévoit deux ou trois points difficiles à mettre en place : la formation à Gaza d'un comité de gouvernance appuyé avec le soutien de la communauté internationale et composé de technocrates palestiniens, tandis que parallèlement, l'armée israélienne se retirera progressivement. ... Pour mettre le Hamas en difficulté, le plan doit être mis en œuvre dans les régions où l'organisation est absente, afin que la population palestinienne en ressente les bénéfices. ... Pour résumer, on peut dire qu'il s'agit d'un plan difficilement réalisable, mais qui pourrait, en temps voulu, porter le germe de la paix et de la prospérité dans la bande de Gaza.»
Sa réussite relèverait du miracle
Le plan est bien trop vague pour pouvoir fonctionner, fait valoir Le Soir :
«C’est l’une des failles visibles : le plan prévoit des étapes – comme l’évacuation militaire israélienne étagée – mais sans aucun calendrier ! Les incidents sur le terrain, qu’on peut déjà imaginer nombreux, pourront donc tout remettre en question, servir de prétextes à Israël pour tout bloquer. … Quant au Hamas, il doit répondre à une étrange injonction : le suicide ou subir les foudres mortelles d’Israël. ... Il doit restituer tous les otages dans les trois jours, qu’il considérait comme ses derniers atouts, et espérer qu’Israël tiendra parole, ne cherchera pas à procrastiner peu ou prou, voire à saboter l’accord. ... Cet accord bien trop vague porte en lui les germes de son échec. Sauf à espérer un vrai miracle.»
Les Israéliens souffrent de la guerre
Nétanyahou est dos au mur, analyse La Repubblica :
«Plusieurs facteurs expliquent pourquoi Nétanyahou doit transiger : il y a d'abord l'épuisement d'un pays qui, au bout de deux ans de contestation et de tensions, n'en peut plus de faire la guerre. Cela concerne non seulement les familles des otages, mais aussi celles des centaines de milliers de réservistes mobilisables. Il y a ensuite l'économie, qui malgré sa vigueur, paie le prix de la guerre : recul des investissements étrangers, croissance en berne et turbulences sur le marché du travail. La banque centrale d'Israël estime que les guerres ont coûté 55,6 milliards de dollars [soit 47 milliards d'euros] entre 2023 et 2025.»
Intelligent et bien ficelé
The Daily Telegraph pointe des similitudes avec la fin du conflit nord-irlandais :
«Le plan semble inspiré de l'accord du Vendredi saint, qui avait rétabli la paix en Irlande du Nord, soit la plus grande victoire de la politique britannique de ces trente dernières années. Les deux plans de paix se caractérisent tous deux par leur évolutivité. Au lieu d'énoncer une liste de propositions rigides 'à prendre ou à laisser', ils proposent aux deux camps des récompenses croissantes au fil des ans. Par ce mécanisme, la confiance mutuelle – et, espérons-le, la paix – s'établit à travers des actes de plus en plus concrets et non de simples engagements. Même le choix des mots est identique. L'IRA n'avait pas été sommée de rendre les armes mais de les mettre 'hors d'usage'. C'est ce qu'on retrouve dans le plan pour Gaza. Un autre point commun avec le plan nord-irlandais est l'idée d'une amnistie pour les terroristes.»
Un projet ambitieux
Sur son compte Facebook, le spécialiste du Proche-Orient Igor Semyvolos propose l'analyse suivante :
«Associer aux questions une coalition internationale de pays arabes à la sécurité, l'administration et la reconstruction est un projet ambitieux, mais qui se heurte à des difficultés. Les chefs d'Etat arabes exigent des garanties, notamment en ce qui concerne la Cisjordanie et le statut de Jérusalem, ce qui va à l'encontre des intérêts d'Israël. ... La réussite du plan dépendra de l'influence des États-Unis sur Israël, qui pourrait être limitée compte tenu de l'intransigeance de Nétanyahou. Néanmoins, la marge de manœuvre du gouvernement israélien actuel semble se réduire considérablement.»
Pour Nétanyahou, une catastrophe
Ce plan pourrait mettre un terme à la carrière du Premier ministre israélien, estime La Stampa :
«Le seul qui puisse convaincre Benyamin Nétanyahou de signer le plan en 21 points proposé par Trump, c'est Trump lui-même. Or, seule une menace sévère et immédiate pourrait contraindre le Premier ministre israélien à accepter un accord qui signifierait pour lui la fin. ... La fin de la guerre peut-être, mais surtout la fin de sa carrière politique. ... Pour Bibi Nétanyahou, ces 21 points sur la table représentent une catastrophe potentielle. Le Premier ministre israélien sait que ses ministres le laisseraient immédiatement tomber s'il accordait la moindre place à ces négociations, lesquelles prévoient entre autres choses que les Palestiniens restent à Gaza.»
Des modalités encore dans le flou
Pour Der Standard, les questions fondamentales restent pour l'instant sans réponse :
«Les 21 points avec lesquels Trump veut changer le cours des choses au Proche-Orient ne sont pas encore connus en détail – notamment comment il entend réussir là où il a échoué jusqu'à présent, malgré des mois de négociations entre le Hamas et Israël, menées sous l'égide des Etats-Unis et avec la participation de l'Égypte et de la Jordanie : la libération des otages israéliens qui sont toujours aux mains du Hamas et la mise en place d'un cessez-le-feu. ... Israël mène actuellement une nouvelle offensive terrestre dans la ville de Gaza, un cauchemar pour la population, qui n'a plus aucun endroit sûr où se réfugier et dont l'existence est menacée par la faim et les maladies.»