Quelles perspectives pour la paix au Proche-Orient ?
Le gouvernement israélien a accepté la première phase du plan américain visant à mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza, auparavant approuvé par l'organisation terroriste du Hamas. Celui-ci prévoit la libération de tous les otages israéliens et de près de 2 000 détenus palestiniens, ainsi que le retrait de Tsahal de Gaza. Les chroniqueurs oscillent entre scepticisme et espoir.
Les flammes reprendront bientôt de plus belle
De Standaard se dit sceptique quant aux perspectives de paix :
«La bande de Gaza est en ruines, Jérusalem-Est et la Cisjordanie sont occupées. La politique de colonisation du gouvernement israélien rend infernale la vie des habitants originels de ces territoires. On joue les pompiers aujourd'hui, sachant probablement que l'incendie reprendra très bientôt. Même si les armes se taisaient, l'existence d'un Etat palestinien viable, pourvu de ses propres frontières, n'est pas encore en vue. Israël ne veut pas en entendre parler. Du reste, des ministres israéliens bellicistes devraient répondre de leurs actes devant les tribunaux internationaux et il n'y a pas d'Autorité palestinienne digne de ce nom - ce qui n'aide pas.»
Le Hamas et Nétanyahou ont besoin de cette guerre
Gazeta Wyborcza se dit lui aussi méfiant :
«Même si le Hamas restitue réellement les otages israéliens et les dépouilles de ceux qui ont péri en captivité, et même si Israël libère les prisonniers et retire ses troupes, dès la première minute du cessez-le-feu, les deux camps chercheront un prétexte pour continuer le combat. Aussi bien Nétanyahou que le Hamas doivent leur existence politique à cette guerre criminelle. Sans cette guerre, le Premier ministre israélien se serait depuis longtemps retrouvé sur le banc des accusés, pour corruption et manquement à ses obligations en lien avec le 7-Octobre. ... Quant aux combattants palestiniens radicaux, la lutte intransigeante et sans pitié contre Israël est la base de leur politique.»
Une opportunité
Un espoir est là, estime Politiken :
«Deux années de guerre ont énormément affaibli le Hamas, de même que ses alliés en Iran et au Liban. Des élections auront bientôt lieu en Israël, et les sondages indiquent clairement que Nétanyahou verra son pouvoir rogné. Aussi bien les Palestiniens que les Israéliens pourraient ainsi compter bientôt de nouveaux gouvernements, qu'il faut espérer meilleurs. Les pays arabes doivent faire valoir toute leur influence pour empêcher les Palestiniens de recourir à la violence et au terrorisme, et les Etats-Unis et l'UE doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour contraindre Israël à faire cesser la construction de colonies et les violations des droits humains en Cisjordanie. ... La paix en Palestine bénéficie cette fois-ci d'une véritable opportunité.»
Pour une action de concert
Seul un vaste engagement international peut garantir la paix, estime Avvenire :
«Les Etats-Unis doivent éviter de céder encore aux pires élans d'Israël, comme Trump l'a fait jusqu'à récemment, et veiller à ce que Nétanyahou, après avoir obtenu le retour des otages, ne cherche pas un prétexte pour reprendre la guerre. Les pays arabes et musulmans de la région - de l'Egypte à la Turquie en passant par les monarchies du Golfe - doivent s'engager personnellement, politiquement, financièrement et diplomatiquement, et être prêts à envoyer des troupes de maintien de la paix pour garantir le bon déroulement de l'après-guerre dans la bande de Gaza. Mais l'Europe également, qui s'est montrée si décevante, silencieuse et divisée face aux horreurs de ces deux dernières années, est tenue de s'activer enfin.»
L'attaque contre le Qatar a été un tournant
Sur Facebook, le spécialiste du Proche-Orient Ihor Semyvolos souligne le rôle indirect qu'a joué la frappe de Tsahal contre le Qatar dans l'accord actuel :
«Le changement de cap rapide de Trump, dont la position vis-à-vis de Nétanyahou était auparavant très bienveillante, est survenu après l'attaque israélienne contre le Qatar. La mise en péril d'intérêts commerciaux américains concrets dans ce contexte a entraîné une révision de la position du président américain. ... Le Qatar - qui compte moins d'habitants que Tel Aviv, mais dispose d'un potentiel financier considérable - est en effet en mesure de donner à temps les bons conseils aux bonnes personnes dans cette partie de poker. A son étonnement, Nétanyahou a dû constater qu'il ne pouvait surenchérir.»
Dire à Poutine que la paix est possible
Sur Facebook, le politologue Abbas Galliamov juge le moment propice pour contraindre Poutine à conclure la paix avec l'Ukraine :
«La signature de l'accord entre Israël et le Hamas suscite une vague d'attentes vis-à-vis de Poutine, car si même les Palestiniens et les Israéliens cessent de s'entretuer, pourquoi les Russes et les Ukrainiens ne le pourraient-ils pas ? Le refus de conclure ne serait-ce qu'un accord de cessez-le-feu temporaire apparaît désormais comme le signe d'une incompétence notoire. Il est important que quelqu'un, que ce soit Trump ou Zelensky, le dise clairement aujourd'hui.»
Cette fois, la méthode Trump fonctionne
C'est son approche peu orthodoxe qui pourrait justement mener Trump au succès, se réjouit La Stampa :
«Il y a un seul facteur qui différencie ces séries de négociations au Proche-Orient de toutes celles engagées jusque-là : l'action de Donald Trump. Cela peut paraître paradoxal, mais l'imprévisibilité, l'impulsivité et la totale indifférence institutionnelle du président le plus anticonventionnel de l'histoire des Etats-Unis impulsent un véritable tournant, dans des négociations qui marquent une rupture avec le passé. Les mêmes éléments qui le rendent menaçant pour la stabilité du système démocratique américain s'avèrent déterminants dans les négociations de Charm el-Cheikh.»
Un Trump nobélisable ?
Si Trump réussit à établir une paix durable, il aura mérité tous les honneurs, fait valoir Helsingin Sanomat :
«Il révolutionne la manière dont on concevait les processus de paix. Pour lui, il s'agit d'un 'deal' comme un autre, avec gagnants, perdants, et avantages économiques à la clé. Il n'accorde aucun crédit à la voie diplomatique classique et aux processus de l'ONU. ... Trump vise les résultats rapides et spectaculaires. Même si ses méthodes ne rentrent absolument pas dans la conception traditionnelle du 'peace making', elles peuvent mettre fin à des conflits. Trump n'hésite pas à menacer, mettre ses alliés sur la sellette en invoquant une potentielle guerre commerciale. ... Mais si en son nom, la paix aboutit au Proche-Orient ou en Ukraine, alors il aura mérité le Nobel.»
Des questions non réglées
Davide Frattini, correspondant de Corriere della Sera à Jérusalem, rappelle que la question de la libération des détenus palestiniens reste en suspens :
«Les Palestiniens veulent obtenir la libération de Marwan Barghouti et d'Ahmad Saadat, deux des principaux leaders de la seconde intifada, qui ont été condamnés à plusieurs reprises à des peines de prison de longue durée ou à perpétuité. Barghouti est considéré par les Palestiniens comme le symbole de la résistance, et les diplomates internationaux, parmi lesquels des politiques israéliens, sont convaincus qu'il pourrait devenir le successeur du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Mais surtout, ils demandent la libération des terroristes qui ont participé au massacre du 7 octobre, et la restitution des cadavres de Yahya Sinouar et de son frère Mohammed, qui avaient tous deux planifié ce massacre.»
Appliquer le 'principe de l'espérance' !
L'hebdomadaire WOZ, convoquant la philosophie d'Ernst Bloch pour commenter la situation au Proche-Orient, rappelle que l'être humain peut et doit surmonter les limitations inhérentes à la pensée :
«Sa conscience n'est dès lors pas uniquement le produit de l''être' (Sein), comme l'avait décrit Karl Marx, mais elle dispose d'un 'excès', qui peut trouver son expression en tant que 'non-encore-devenu' dans les utopies sociales, l'art ou les rêves éveillés. ... Au vu de la tragédie réelle au Proche-Orient, cette métaphysique peut paraître cynique. ... Mais le principe de l'espérance chez Bloch peut aussi être compris comme une imagination collective qui impacte la réalité d'un avenir proche. Aujourd'hui notamment, alors qu'il existe un plan visant à mettre fin au conflit, nous devrions, nous aussi en Europe, faire preuve d'une espérance solidaire.»
Vers une avancée au Proche-Orient
Dans ABC, Nicolás Redondo Terreros, ex-secrétaire général de la section du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au Pays basque, se veut optimiste :
«On discerne dans la proposition de Trump une petite lueur d'espoir. ... La Russie n'a plus de poids depuis le changement de régime en Syrie. ... Les pays arabes commencent à donner plus d'importance à l'avenir qu'à la judéophobie. La précarité du régime iranien, après les bombardements ciblés des Etats-Unis et les coups funestes portés par Israël à des organisations terroristes comme le Hezbollah, est un motif d'espoir. Or tandis que la plupart d'entre nous attendent avec appréhension l'aboutissement incertain de l'initiative américaine, l'extrême gauche antisystème et certains aventuriers continuent de manifester, moins pour les droits de la bande de Gaza que pour réclamer la destruction d'Israël.»