Législatives néerlandaises : quelle coalition pour le pays ?
Ce mercredi, les Néerlandais se rendent aux urnes pour élire un nouveau Parlement. Ces élections anticipées interviennent suite à la perte de la majorité du gouvernement sortant début juillet. La presse se demande quel sera le rôle du populiste d'extrême droite Geert Wilders dans cette nouvelle configuration.
Le vainqueur sera le deuxième parti
Pour La Repubblica, ce scrutin revêt un caractère à part :
«L'extrême droite est en tête dans les sondages, mais plus personne ne veut gouverner avec elle. Elle est talonnée par la gauche de Timmermans et le centre. Le parti qui arrivera deuxième sera en position de force. C'est le paradoxe des élections anticipées qui se tiennent dans des Pays-Bas de plus en plus instables — les troisièmes en cinq ans — avec le parti d'extrême droite (PVV) de Geert Wilders à nouveau donné favori suite à son triomphe de 2023. … Mais aucun des grands partis ne veut former de coalition avec ce populiste europhobe, pro-Trump et anti-immigration, après qu'il a fait tomber en juin la coalition menée par le technocrate Dick Schoof, dont il exigeait des mesures contre les migrants contraires à la Constitution.»
Un Wilders plus gouvernement-compatible ?
Le candidat du PVV cherche à résoudre son problème de crédibilité, assure René ter Steege, correspondant de Causeur aux Pays-Bas :
«Fait rare, en fin de campagne, Wilders a présenté des excuses pour le comportement de deux de ses députés, auteurs d'un photomontage réalisé à l'aide d'intelligence artificielle montrant [la tête de liste social-démocrate] Frans Timmermans vidant la poche d'un Néerlandais pour donner l'argent à une femme voilée. Ce geste a été interprété comme un gage de modération envers de possibles alliés … . Le chef du PVV a juré qu'il serait cette fois un partenaire 'loyal' si son parti sortait à nouveau vainqueur des urnes. Reste à savoir si quelqu'un le croira ?»
Isoler et copier les extrêmes comme stratégie
De Standaard revient sur la situation chaotique née de l'échec de la coalition avec l'extrême droite, craignant que la Belgique ne connaisse un sort similaire :
«Un gouvernement pragmatique et conséquent forme le rempart le plus solide contre le populisme antidémocratique. Le politologue néerlandais Joost van Spanje propose la stratégie 'd'isolement et d'imitation' pour combattre aussi bien l'extrême droite que l'extrême gauche : les éloigner du pouvoir une bonne fois pour toute et reprendre les éléments de leur programme qui touchent les électeurs, tout en menant une politique inscrite dans le consensus démocratique. … En Belgique, le débat sur le budget sera le premier test grandeur nature. … C'est la confiance même dans la démocratie qui est en jeu. Les Pays-Bas montrent le scénario du pire lorsque les responsables politiques échouent.»
Répondre aux besoins fondamentaux
NRC espère l'émergence d'une coalition en mesure de gouverner correctement le pays :
«Le retour vers le centre, qui devrait se dessiner mercredi selon les analystes et principaux instituts de sondage, ne doit pas détourner l'attention des réels besoins des Néerlandais. Solutions de logement, fin de la problématique de l'ozone [un tribunal a exhorté le gouvernement à prendre des mesures pour réduire les émissions de ce gaz], attention accrue portée au développement durable, à la défense du pays, soins de qualité accessibles à tous, égalité des chances dans l'éducation et sur le marché du travail, stimuler l'entreprenariat. Toutes ces missions sont les parties constituantes d'une démocratie mûre et prospère.»
Rien ne va changer pour l'Ukraine
Evropeïska Pravda fait l'analyse suivante :
«Même si les Européens sont las de la guerre, le soutien de l'Ukraine reste important aux yeux des Néerlandais. ... Les forces politiques dominantes - GroenLinks-PvdA, D66, Volt, CDA, VVD et ChristenUnie - sont favorables au maintien de l'aide militaire, financière et humanitaire. Les partis de centre-gauche demandent à ce que les Pays-Bas jouent un rôle pionnier à cet égard, tandis que l'extrême droite populiste du PVV, menée par Wilders, se limite à des déclarations symboliques, en avançant que le pays en aurait déjà 'fait assez'. Mais étant donné que dans ce dossier, le consensus est en faveur de l'Ukraine, il est très peu probable que Wilders parvienne à faire infléchir cette ligne.»
Marginaliser le vainqueur potentiel
Les autres partis ont raison de refuser de coopérer à nouveau avec Wilders, juge De Volkskrant :
«Chaque strapontin parlementaire a le même poids. ... Si le parti de Wilders devenait mercredi la première force du pays, et qu'il se trouvait dans le même temps une grande majorité refusant de travailler avec lui, alors une telle position serait tout à fait légitime. ... Après avoir testé le 'canard boiteux' en la personne de Dick Schoof pendant un an et demi, le choix d'un Premier ministre avec une appartenance politique claire et disposant d'un mandat électoral solide - plus solide que celui de Wilders - revêt une importance majeure pour la force décisionnelle d'un nouveau gouvernement et l'image du pays à l'étranger.»
La peur et la colère prospèrent
Wilders a imposé un discours sombre et décliniste aux Pays-Bas, analyse Le Soir :
«Hisser l'extrême droite au pouvoir, meilleure stratégie pour l'anéantir ? L'idée circule, parfois... Les Pays-Bas viennent d'en démontrer l'inefficacité tout autant que la dangerosité. … Geert Wilders a réussi à faire infuser ses idées au-delà de son pré carré électoral. Sous 'son' gouvernement, les questions migratoires dominaient l'actualité politique, elles se sont imposées comme marqueurs indélébiles de la politique néerlandaise, la plupart des partis font aujourd'hui campagne sur une limitation des arrivées sur le territoire. … Le PVV a du reste repoussé les limites de l'acceptabilité en politique. … Geert Wilders … a installé l'image sombre, presque apocalyptique, d'un pays menacé de déclin, et stigmatisé sans relâche certains groupes au sein de la population, boucs émissaires tout trouvés. Ce faisant, il a alimenté la peur et nourri la colère.»
Déjouer - cette fois-ci - l'assaut contre la démocratie
Wilders empoisonne le débat politique depuis une décennie, explique le journaliste Tom-Jan Meeus dans sa chronique pour NRC :
«Tout ce programme - célébrer l'autocrate Viktor Orbán, normaliser la théorie [complotiste] du 'grand remplacement', miner le Parlement, appeler à la 'résistance', se faire la porte-voix de la propagande - a contribué depuis 2015 à déstabiliser la démocratie. ... C'est l'une des grandes questions de 2025 : les partis du centre seront-ils en mesure de repousser l'assaut de Wilders sur la démocratie libérale ? Une attaque qu'il a débutée en 2015 et qu'il a poursuivie, depuis, avec la discipline d'un propagandiste consommé.»