Un an après le drame de Novi Sad : quels enjeux en Serbie ?

Un an après l'effondrement de l'auvent de la gare de Novi Sad, qui avait coûté la vie à 16 personnes, des dizaines de milliers de Serbes se sont rendus dans la ville pour commémorer les victimes. A 11h52, heure du drame, ils ont respecté 16 minutes de silence. La tragédie du 1er novembre 2024 avait déclenché une mobilisation majeure et durable contre la majorité gouvernementale du président, Aleksandar Vučić.

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Večernji list (HR) /

Une impasse

Le président Vučić continue de s'agripper au pouvoir, analyse Večernji list :

«Les étudiants ont provoqué un raz-de-marée qui emporte tout sur son passage. … Mais rien n'est encore acté, pas même la fin du régime de Vučić. On escomptait un renversement brutal, une démission du dictateur, une possible guerre civile, mais rien de tout ceci ne s'est produit. Pas même la tenue d'élections anticipées : le dictateur refuse de les envisager, car même avec l'aide de ses structures mafieuses et d'un appareil d'Etat criminel, il ne les remporterait pas. La Serbie continue de vivre dans une désastreuse atmosphère d'incertitude politique. Si un retour en arrière est impossible, le progrès se fait toujours attendre.»

Jutarnji list (HR) /

La pensée nationaliste reste prédominante

Jutarnji list déplore l'absence de prise de position ouvertement pro-européenne dans le mouvement :

«Si une partie des étudiants et des manifestants aspirent indéniablement à une Serbie européenne, ce n'est pas la motivation principale des opposants au régime de Vučić. Dans les rassemblements, les positions suivantes ont été entendues au pupitre : 'le retour du Kosovo dans le giron national serbe', la dénonciation de l'Occident, la mise en valeur du 'monde serbe'. … Après 365 jours, on n'a toujours pas vu de drapeau de l'UE dans les manifestations, ni entendu de remise en cause de la politique nationaliste – marotte de la Serbie depuis l'avènement de Slobodan Milošević. Tout semble indiquer que les manifestants serbes veulent 'tout changer pour que rien ne change'.»

Vreme (RS) /

Des chiffres qui importent peu

En se focalisant sur le nombre de manifestants, on passe à côté des véritables problématiques, déplore Vreme :

«Un immense rassemblement, qui s'est parfois tenu dans un silence impressionnant. Et lorsqu'il y a eu des prises de parole, tout a été dit. Puis tout le monde est rentré chez soi. Les réseaux sociaux et une majorité des médias se sont alors focalisés sur le mauvais sujet : Combien de personnes étaient réellement présentes ? Etait-ce beaucoup, ou peu ? … Les chiffres ne sont pourtant plus si importants. … La lutte, dont le déclencheur a été le drame de Novi Sad, est depuis longtemps entrée dans une autre phase : celle des élections anticipées, auxquelles les étudiants comptent participer avec leur propre liste.»

Iswestija (RU) /

Le jusqu’au-boutisme de Vučić

Izvestia critique l'absence de flexibilité du gouvernement :

«Il n'est pas étonnant que les troubles persistent. La raison est liée au fait que dans l'ensemble, les autorités et le président ne sont pas parvenus à trouver la bonne approche vis-à-vis des manifestants. Le gouvernement part du principe que derrière la mobilisation, on trouve des forces exclusivement exogènes qui veulent provoquer une 'révolution de couleur' en Serbie. Vučić a souligné à plusieurs reprises que la situation dans le pays rappelait le mouvement ukrainien de Maïdan en 2014, et juré qu'il n'autoriserait pas un tel scénario. Il semblerait que la principale erreur des autorités réside dans cette détermination exagérée.»

Der Spiegel (DE) /

Conditionner les fonds européens à des réformes

L'Europe ne peut plus occulter davantage les manifestants, souligne Der Spiegel :

«Les étudiants serbes se battent pour la démocratie, l'Etat de droit et le pluralisme. Si l'Europe est sérieuse quant à la perspective d'adhésion de la Serbie, elle devra soutenir les revendications des étudiants, plutôt que de courtiser Vučić - ce qu'elle fait pour s'assurer les gisements de lithium de la Serbie ou par crainte que celle-ci ne se rapproche encore davantage de la Russie. … L'Europe peut, très concrètement, contraindre Vučić à écouter les revendications prodémocratiques des manifestants. Cela passe par la nécessité de fixer des conditions claires : des fonds, des prêts et des avantages commerciaux – mais seulement contre des réformes vérifiables et le respect des principes démocratiques.»