Vers un pacte avec l'Afrique du Nord ?

La Commission européenne a salué le projet de coopération avec les Etats d’Afrique du Nord présenté par le Premier ministre italien Matteo Renzi. Un plan qui prévoit que ces Etats empêchent les migrants de partir, selon le modèle de l’accord UE-Turquie, en contrepartie d’un soutien financier et logistique. Expulsera-t-on bientôt les réfugiés vers la Libye en guerre ?

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The Independent (GB) /

Accueillir les témoins de la terreur de Daech

Au lieu de renvoyer les réfugiés en Turquie ou en Afrique du Nord, l’Europe ferait mieux de les accueillir et de se servir de leurs épouvantables récits pour combattre l’islamisme, préconise le quotidien The Independent :

«Les témoignages des réfugiés constituent une occasion en or pour contrer l'argumentaire des extrémistes. … A condition d’être soutenus et protégés, les familles, déserteurs et réfugiés peuvent rapporter personnellement et de manière convaincante les violences commises par Daech. Nous sommes la génération la plus numérique et la plus connectée de l’histoire de l’humanité. Les opinions fortes, les messagers et les histoires vraies sont déterminants lorsqu'il s'agit de façonner des idées. Les réfugiés et les familles sont une source intarissable de pouvoir émotionnel. Et ils sont une génération, qui, pourvu qu’elle soit respectée et bien traitée, forme une masse organique capable de s’opposer aux idéologies extrémistes.»

Corriere della Sera (IT) /

Arrêter de se quereller pour des broutilles

Matteo Renzi propose de financer l’éventuel accord UE-Afrique à l’aide d’eurobonds. Rome devrait toutefois éviter de camper sur ses positions, souligne le Corriere della Sera :

«L'important ici ce ne sont pas les eurobonds, si appréciés en Italie mais honnis en l’Allemagne. Le débat entre Rome et Berlin porte sur la nécessité de trouver une stratégie à moyen et long terme. La proposition de l’administration Renzi peut être résumée de la façon suivante : plus d’action pour une plus grande contrepartie. C’est-à-dire aider davantage les pays africains - en adoptant une logique différente des aides antérieures - en contrepartie de quoi ces pays s’engageront à contrôler et à limiter le départ des migrants. Il faut pouvoir en assurer les coûts, de la même façon qu’il a fallu financer le pacte conclu par Merkel avec la Turquie. Que l’on ait recours ou non à des eurobonds. L’objectif, c’est d’endiguer les flux de réfugiés. … Et sur ce point, dans la recherche d’une solution communautaire, l’Allemagne et l’Italie seraient tenues de se mettre d’accord.»

Die Presse (AT) /

L'UE paie le prix de ses erreurs en Libye

Le fait que de nombreux réfugiés risquent le périple périlleux par la Méditerranée est une conséquence de l’intervention militaire internationale ratée en Libye en 2011, analyse le quotidien conservateur Die Presse :

«Suite à l’intervention militaire imposée par les Européens, il aurait fallu que ceux-ci redoublent d’efforts pour aider l’alliance rebelle hétérogène à trouver une solution viable pour l'après-guerre. … Or, ils n’ont pas tellement agi dans ce sens. Les rivalités entre les nouveaux chefs de la Libye n’ont cessé de s'intensifier, jusqu’à ce que le pays replonge dans la spirale de la violence en 2014. … Pour la politique extérieure européenne, la stabilisation de la Libye est un test à prendre très au sérieux. Car d’autres erreurs tactiques pourraient affecter directement l’Europe.»

Il Sole 24 Ore (IT) /

Rome ne veut pas rester sans rien faire

En proposant de passer un accord avec les Etats africains, l’Italie espère éviter de se retrouver dans la même situation que la Grèce, analyse le journal économique Il Sole 24 Ore :

«Victime prédestinée de la prochaine vague de réfugiés, l’Italie ne veut ni se laisser emporter, ni regarder sans rien faire jusqu’à ce que les partenaires européens apportent leur aide à contrecœur et fassent quelque chose. La leçon grecque a été retenue. Car tant que les partenaires ne sont pas touchés eux-mêmes, ils ne lèvent pas le petit doigt. … Comme l’Italie ne veut pas se retrouver dans la même impasse que la Grèce - coupée de l’Europe non pas par la clôture macédonienne, mais par celle du col du Brenner - le gouvernement Renzi tente de raviver une Europe prise dans un dangereux processus de dissolution.»

Zeit Online (DE) /

L'UE doit passer un accord avec Tripoli

Suite au nouveau naufrage de réfugiés en Méditerranée, l’Europe doit intervenir. Le portail Zeit Online nous explique comment :

«En premier lieu, les côtes de l’Italie doivent être envisagées comme les côtes de l’Europe. … Lorsque le Premier ministre italien Matteo Renzi fait des propositions à Bruxelles, comme il y a quelques jours, il faut le prendre au sérieux et travailler main dans la main avec lui, quelles que soient les circonstances. L’Europe doit unir ses forces pour tenter de stabiliser la Libye. Un gouvernement d’unité nationale a été formé à Tripoli. Même s’il n'est pas encore tout à fait abouti, c’est un bon début. Si la Libye se stabilise, l’Europe va pouvoir mettre au point un accord tel qu’il a été trouvé avec la Turquie. Ça ne serait pas la solution idéale mais ce serait déjà ça. Troisièmement, il s’agit de renforcer la lutte contre les passeurs. Dans ce domaine également, les choses progressent et il ne s’agit en aucun cas d’un combat perdu d’avance, comme on a tendance à le supposer.»

Deutschlandfunk (DE) /

Un accord avec la Libye serait absurde

La communauté internationale doit s’attacher à combattre davantage les causes du départ des réfugiés, préconise le portail Deutschlandfunk, après la noyade de 500 migrants en Méditerranée :

«Cela commence par l’apport d’un financement approprié pour soutenir les actions d’aide contre la faim dans le monde et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui, de façon incompréhensible, est régulièrement contraint de venir quémander des fonds. Cela passe ensuite par des partenariats de formation, des investissements, un commerce équitable, des lois sur l’immigration raisonnables. Et par la disposition à prendre des sanctions virulentes contre les despotes qui méprisent les droits de l’homme, même si cela prive les preneurs de sanctions de certaines affaires juteuses. S’il s’agit de combattre le groupe terroriste Daech, l’intervention militaire fait aussi partie des mesures à prévoir. … Il est tout à fait absurde d’envisager à court terme un possible accord avec la Libye sur les réfugiés, semblable à celui passé avec la Turquie. Personne ne doit être expulsé vers ce pays aujourd’hui - et vraisemblablement pour un certain temps encore.»