Etats-Unis : assassinat d'un influenceur ultraconservateur
Le militant de la droite conservatrice Charlie Kirk, producteur de podcasts, a été abattu alors qu'il animait un meeting dans une université de l'Utah. Proche du président Trump, Kirk était le fondateur de l'organisation Turning Point USA, active dans les écoles et les universités. Un suspect de 22 ans vient d'être arrêté. L'ambiance explosive aux Etats-Unis risque-t-elle de dégénérer ?
Se regarder dans le miroir
Irish Independent condamne formellement l'indifférence des adversaires politiques de Kirk face à ce crime odieux :
«La semaine passée, alors qu'elle aurait eu l'occasion de s'élever au dessus de la mêlée en soulignant l'importance du lien humain, l'extrême gauche, engluée dans un communautarisme sectaire, n'a pas eu la grandeur d'âme de le faire. Quand un père de famille a été immolé pour avoir été trop explicite dans sa manière d'exprimer sa vision conservatrice du monde - de surcroît sur un campus universitaire, lieu par excellence d'échange d'idées dérangeantes - tous ceux qui n'ont pas été choqués en leur for intérieur comme le veut la décence seraient bien inspirés de s'essayer à un exercice d'introspection.»
Défendre les acquis des Lumières par l'argumentation
On peut apprendre de Kirk sans pour autant être d'accord avec ses idées, écrit Die Presse :
«Si Charlie Kirk était apprécié d'une partie de la jeunesse de par le monde, c'est parce qu'il recherchait la confrontation d'idée avec ses adversaires. Il osait aller dans les universités, en terrain ennemi, pour défendre ses positions de droite avec toute l'acuité rhétorique qu'on lui connaissait. ... Beaucoup de ses opinions allaient à l'encontre de la science et de la philosophie des Lumières. Mais si on se positionne du côté des Lumières, il faut pouvoir apporter des arguments, énoncer des preuves scientifiques et surtout, expliquer ce qui fait le fondement des droits de l'homme. ... S'il est une chose que l'on puisse apprendre de Charlie Kirk, c'est bien sa disposition infatigable à débattre. Ceux qui se contentent de diaboliser et de sermonner les gens ont peu de chance de convaincre.»
Cela n'est plus de la politique
Sander Schimmelpenninck, chroniqueur au Volkskrant, déplore une perte d'empathie et de capacité de discernement :
«La consommation d'informations internationales à l'ère des réseaux sociaux est aussi ridicule que répugnante. Les algorithmes qui orchestrent tout font disparaître toute humanité et toutes nuances. Entre le ressenti des utilisateurs et les faits à proprement parler, il n'y a pratiquement plus aucun lien. L'indignation virale des gens, la tendance irrésistible à tout rapporter à sa petite personne et les accusations faciles : tout tend à combler un vide humain avec le sentiment de faire partie d'un club en ligne. Cela n'a plus rien à voir avec la politique, et depuis longtemps.»
Il savait électriser les foules
Neue Zürcher Zeitung explique l'importance de Kirk dans le camp ultraconservateur des Etats-Unis :
«Si Donald Trump a pu mobiliser un nombre aussi impressionnant de jeunes électeurs il le doit à un homme : Charlie Kirk. Le constat sort de la bouche même de Trump. Orateur charismatique et loquace, Kirk a fondé un mouvement [Turning Point USA] pour sensibiliser les jeunes aux charmes du conservatisme, avec des méga-fêtes, des playlists pop, et, bien sûr, ses discours enflammés contre les gauchistes, les étrangers, les personnes trans et pour la famille traditionnelle, la Bible, l'auto-responsabilité et le patriotisme MAGA. Son organisation est présente dans 850 universités. Des millions de followers étaient en admiration devant lui.»
Trump attise encore plus la haine
Frans Verhagen, journaliste et spécialiste des Etats-Unis, condamne la réaction de Trump et anticipe une surenchère, comme il l'écrit sur NRC :
«Trump a lui-même jeté de l'huile sur le feu en accusant la gauche radicale. ... Je pense que le moment d'une confrontation meurtrière entre l'armée et les manifestants viendra inévitablement, et que le président en profitera pour instaurer la loi martiale dans tout le pays, annulant du même coup l'Etat de droit. Les leaders politiques devraient pourtant être ceux qui éteignent le feu et veillent à la cohésion du pays. La seule figure qui puisse le faire en 2025, le président Trump, manque à ce devoir qui est le sien.»
Une acception désastreuse de la liberté d'expression
Les Etats-Unis doivent réfléchir aux limites de la liberté d'expression, préconise Le Soir :
«On ne peut pas ne pas poser la question de cette liberté d'expression sans entrave, sacralisée par le premier amendement de la Constitution américaine, qui ne pose aucune limite liée au racisme, à l'incitation à la haine, à l'antisémitisme – alors que ces 'bornes' existent dans nos pays. Cette liberté d'expression autorise les dérives, les lynchages et les stigmatisations ... .»
Risque de paralysie du pays
Le meurtre de Charlie Kirk pourrait aussi impacter la politique extérieure du pays, redoute Politiken :
«Ce dont Trump et le mouvement MAGA font abstraction, c'est que la violence est souvent le fait de groupes d'extrême droite ou de loups isolés. En juin, la démocrate Melissa Hortman et son conjoint ont été assassinés. ... Ces lignes ne doivent pas être comprises comme la volonté de minimiser le meurtre de Kirk. Au contraire, la multiplication des assassinats politique est le reflet, pour le dire avec les mots du Wall Street Journal, d'une 'nation divisée', qui risque de l'être encore davantage. Cela pourrait entraîner une paralysie politique, minant la capacité des Etats-Unis à faire face à un monde en mutation.»