Ukraine : un sommet Trump/Poutine peut-il avoir un impact ?

Donald Trump entend rencontrer Vladimir Poutine à Budapest. Si les ministres des Affaires étrangères américain et russe, Marco Rubio et Sergueï Lavrov, se sont entretenus lundi par téléphone, il n'est pas certain qu'ils se rencontreront personnellement lors d'une réunion préparatoire. Selon la chaine d'information américaine CNN, les différends seraient trop importants. Moscou a indiqué que la tenue d'un sommet n'avait pas encore été convenue. Quelles attentes la presse européenne place-t-elle dans le sommet de Budapest – si celui-ci a bien lieu.

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Diário de Notícias (PT) /

Personne ne sera satisfait

Pour parvenir à une solution durable, tous les participants doivent participer aux négociations sur un même pied d'égalité, écrit Diário de Notícias :

«Une seule chose est sûre : ni Trump ni Poutine ni Zelensky ne peuvent s'attendre à une issue 100 pour cent favorable. L'Europe a elle aussi ses attentes, notamment les pays qui, d'un point de vue historique, redoutent le plus une Russie expansionniste, comme la Pologne, les Etats baltes ou la Finlande, et qui tablent sur la défense de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine pour garantir leur propre intégrité et souveraineté, face à un ennemi auquel ils ne témoignent aucune confiance.»

The Moscow Times (RU) /

La Chine en filigrane

Dans The Moscow Times, le sociologue Viktor Nebochenko estime que les motivations de Trump sont tout autres :

«Il faut se garder de penser que l'agression russe en Ukraine et la cessation des hostilités constitueront le sujet principal des négociations de Trump avec Poutine à Budapest. Cela peut servir de prétexte, mais les deux dirigeants sont bien conscients que l'Ukraine n'a pas l'intention de se rendre et d'échanger des territoires – qu'elle obtienne ou non les Tomahawk. Le but de Trump n'est pas de régler le conflit ukrainien, mais de tenter à nouveau d'amener Poutine à trahir Pékin. Le président chinois, Xi Jinping, est confronté ces derniers temps à des problèmes manifestes, et Trump se hâte de les exploiter.»

vasarnap.hu (HU) /

Une position réaliste s'impose

C'est à juste titre que l'UE n'est pas invitée, estime le média pro-Fidesz Vasárnap :

«Il est contreproductif de la part des politiques européens de se plaindre de ne pas être conviés à la table des négociations du sommet de la paix de Budapest, car leur présence n'est pas essentielle. Les objectifs de Washington et de Bruxelles divergent énormément. Alors que Bruxelles cherche à obtenir la victoire de l'une des parties au conflit, l'administration américaine veut voir s'installer la paix en exhortant les deux camps à faire des concessions et à céder sur certains points. Et ne nous faisons pas d'illusions : c'est la seule position réaliste aujourd'hui.»

Die Welt (DE) /

L'Europe se contente de tours de passe-passe

Des Européens, Zelensky ne peut pas attendre grand-chose, estime le quotidien Welt :

«Pour le moment, les propos prétentieux de garanties de sécurité ne servent qu'à appâter la galerie en Ukraine et en Europe. Les engagements des Européens à livrer des armes se sont effondrés de façon dramatique cet été. Par des tours de passe-passe, Bruxelles cherche maintenant à racler des milliards supplémentaires pour soutenir l'Ukraine en mettant à disposition des avoirs russes gelés (prêts dits de réparation). Si l'Europe ne passe pas rapidement à l'action, Poutine risque de gagner cette guerre dans peu de temps.»

Maszol (RO) /

De retour sur les lieux de la supercherie ?

Le choix de Budapest comme lieu de rencontre potentiel n'est pas de bon augure, selon Maszol:

«Les malfaiteurs reviendraient sur les lieux du crime. Les grandes puissances, qui avaient signé [en 1994] le mémorandum de Budapest, un document qui devait garantir l'intégrité territoriale et la souveraineté nationale de l'Ukraine en échange de son arsenal nucléaire, y reviendraient pour chercher une solution pacifique, avouant ainsi que leur signature et leurs engagements de l'époque n'avaient aucune valeur. Si c'était déjà le cas il y a trente ans, dans un monde qui aspirait vraiment à la paix et qui pensait avoir atteint la 'fin de l'histoire', pourquoi une rencontre organisée aujourd'hui, dans une situation bien plus conflictuelle, serait-elle plus crédible ?»

La Repubblica (IT) /

Zelensky pourrait repartir bredouille

L'Europe est sens dessus dessous, estime La Repubblica :

«Poutine finit toujours par s'imposer. Il amadoue Trump, l'apaise, l'incite à renoncer aux menaces et aux ultimatums, et le pousse à faire des concessions. Après la rencontre bilatérale d'Anchorage, en Alaska, Poutine est parvenu à obtenir une nouvelle rencontre avec Trump à Budapest, en Hongrie. Une gifle pour le Vieux-Continent, qui est désormais le nouvel 'ennemi numéro un' de Moscou. ... Et une défaite pour Zelensky, qui repartira probablement bredouille de sa rencontre avec Trump aujourd'hui.»

Abbas Galliamov (RU) /

L'approche efficace de Trump

Avant l'annonce du nouveau sommet, le politologue Abbas Galliamov louait sur Facebook la stratégie de communication de Trump :

«Lorsque Trump appelle Poutine à mettre fin à la guerre, il s'emploie à rappeler que celle-ci tue aussi bien des Russes que des Ukrainiens. C'est un message efficace qui empêche que le président américain ne soit perçu comme 'l'ennemi de la Russie'. ... Dans sa rhétorique, Trump a minimisé l'aspect politique pour se focaliser exclusivement sur l'aspect humanitaire de la guerre. Il ne dit pas qui a tort et qui a raison, qui est l'agresseur et qui est la victime. ... En termes de pression appliquée sur Poutine, il s'agit d'une tactique judicieuse. Le président américain fait passer le président russe pour un dirigeant qui sacrifie les citoyens au nom de la politique.»

Corriere della Sera (IT) /

Juste un coup de bluff ?

L'annonce d'une hypothétique livraison de missiles longue portée pourrait n'avoir été qu'un moyen de pression, juge Corriere della Sera :

«Même si le retour de Zelensky à la Maison-Blanche se déroulait dans un climat tout à fait différent de celui de février, lorsqu'il avait été piégé, rien ne dit que Zelensky retournera chez lui avec l'autorisation d'acheter les armes de longue portée dont il a besoin pour frapper des objectifs stratégiques profondément en territoire russe. ... Alors que le Kremlin évoquait une 'escalade dangereuse', les observateurs avaient déjà prévenu ces derniers jours que les Tomahawk pourraient être un bluff de Trump pour contraindre Poutine à revenir à la table des négociations.»

Roman Bessmertny (UA) /

A la baguette du chef du Kremlin

Sur Facebook, le politique libéral et diplomate Roman Bessmertny fait l'analyse suivante :

«Poutine comprend la nature narcissique de Trump, et c'est un sujet sur lequel les psychologues devraient se pencher. Il l'a remercié pour la paix au Proche-Orient, a exprimé l'espoir d'une nouvelle coopération avec la first lady Melania Trump en matière de rapatriement des enfants ukrainiens, et évoqué de possibles relations commerciales avec les Etats-Unis après la fin de la guerre russo-ukrainienne. La balance a aussitôt penché du côté de Moscou : Trump a indiqué sur les réseaux sociaux qu'une rencontre au plus haut niveau avec la Russie était déjà sur les rails pour la semaine suivante. Dans un nouveau post, le président américain a bluffé, annonçant vouloir rencontrer Poutine à Budapest.»

István Szent-Iványi (HU) /

Seul un accord équitable serait un succès

Il n'est pas certain que la rencontre bénéficiera à l'image de la Hongrie, prévient le spécialiste de politique international et ex-eurodéputé libéral István Szent-Iványi sur Facebook :

«La question est bien sûr de savoir comment mettre fin à cette guerre. Y aura-t-il un accord équitable – loin d'être une évidence au vu des individus amenés à négocier –, ou va-t-on trahir l'Ukraine et la 'jeter sous le bus' ? On ne peut qu'espérer que la première option se concrétise, mais la seconde n'aurait rien d'étonnant. Pour Budapest, cette rencontre ne sera prestigieuse que si elle débouche sur un accord équitable, et non sur un remake de Munich ou de Yalta.»