Donald Trump veut attaquer la BBC en justice

Après la démission du directeur de la BBC, Tim Davie, la radio-télévision publique britannique BBC reste sous le feu des critiques. Donald Trump menace de porter plainte et de réclamer un milliard de dollars de dommages et intérêts. Dans un documentaire, des propos tenus par le président américain, juste avant l'assaut contre le Capitole en janvier 2021, auraient fait l'objet d'un montage susceptible de donner une impression erronée. Que dit cette crise de la BBC et des médias publics ?

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Der Standard (AT) /

L'autocritique oui, l'autoflagellation non

Les collaborateurs de la radio-télévision publique britannique n'ont pas la tâche facile, souligne Sebastian Borger, correspondant du quotidien Der Standard à Londres :

«Les journalistes de la BBC font quotidiennement l'objet d'une forte pression. Ils ne sont pas seulement tenus de faire le travail normal de chaque journaliste : recherches méticuleuses, traitement équitable des faits, choix des mots millimétré ; ils ont aussi l'obligation de défendre la réputation de leur employeur, respecté à juste titre dans le monde entier. Ce qui les pousse souvent à voir dans la moindre critique de leur travail un coup dévastateur porté à la radio-télévision publique. Ils feraient mieux de se contenter de reconnaître rapidement et publiquement leurs erreurs.»

Echo24 (CZ) /

L'image faussée des médias progressistes

Echo24 critique l'ensemble des médias publics :

«Cela fait longtemps que la BBC est sous le feu des critiques, notamment à cause de sa couverture univoque et orientée des événements au Proche-Orient, mais aussi de ses critiques virulentes et versant dans un pathos sans borne à l'égard de Donald Trump. ... Toutes ces positions font déjà partie du répertoire classique de la plupart des médias non seulement publics, mais aussi mainstream en Europe et en Amérique, qui se complaisent dans une vision libérale et progressiste de la société. Pourtant, la plupart de leurs téléspectateurs et lecteurs ne partagent pas ce point de vue, comme l'atteste l'agence de presse renommée Reuters, qui témoigne d'une perte de confiance croissante dans les médias traditionnels.»

taz, die tageszeitung (DE) /

Une question de survie

La bataille pour la suprématie médiatique est définitivement arrivée sur le Vieux Continent, juge le quotidien taz :

«La question sur laquelle porte la discorde a n'a quasiment pas d'importance. … Il n'est pas étonnant qu'outre The Daily Mail, The Daily Telegraph, notamment, se soit défoulé sur Davie. Le titre est sur le point d'être racheté par le consortium américain RedBirdCapital, dont fait partie Larry Ellison, grand soutien de Trump. Aux Etats-Unis, celui-ci a déjà racheté Paramount, fait recadrer la chaîne CBS et veut faire du 'Daily Telegraph' un 'New York Times de droite'. Pour la BBC, il s'agit désormais d'une question de survie.»

Corriere della Sera (IT) /

La BBC serait regrettée

Corriere della Sera redoute l'américanisation des médias britanniques :

«La droite britannique flaire l'odeur du sang, car elle a toujours considéré la radio-télévision publique comme un bastion de la gauche, qu'il faudrait museler tôt ou tard. … Si la BBC ressort diminuée de cette histoire, le paysage médiatique (et culturel) britannique fera un pas de plus vers l'américanisation : un climat polarisé, dans lequel s'affrontent immuablement des journaux et des chaînes de télévision partisanes. … On regrettera alors l''Auntie', comme la vieille BBC est affectueusement surnommée.»

The Irish Times (IE) /

Une institution indispensable

L'organisme médiatique britannique n'a pas perdu sa raison d'être, estime The Irish Times :

«Les grandes radio-télévisions ne sont pas exempts de défauts. Les accusations de pensée grégaire, de complaisance et de dépenses démesurées sont parfois justifiées. Mais la BBC reste l'une des plus grandes réussites de l'Etat britannique post-impérial. Ses programmes bénéficient de la confiance de dizaines de millions de personnes dans le pays, et de bien davantage encore à l'étranger. Pendant longtemps, elle a servi de modèle pour les radio-télévisions du monde entier. Son démantèlement équivaudrait à un véritable acte d'autosabotage. Les radio-télévisions publiques doivent être innovantes et s'adapter aux paysages médiatiques qui changent. Mais les principes sur lesquels elles ont été fondées méritent encore d'être défendus.»

The Guardian (GB) /

L'exemple même d'une manoeuvre politique

Le but, ici, est d'affaiblir une institution indépendante, déplore The Guardian :

«Au fond, il s'agit d'une campagne politique contre la BBC - illustrant une volonté d'affaiblir et de saper un journalisme qui, dans un océan de distorsions informationnelles, cherche au moins à être impartial. … Les critiques adressées à la couverture de la BBC sont tirées du petit manuel de la 'guerre culturelle' antiprogressiste. … Trump a menacé de porter plainte contre le groupe, après avoir déjà réussi à mettre au pas les médias américains : plusieurs chaînes privées ont choisi de verser des dommages et intérêts, alors que les plaintes déposées étaient cousues de fil blanc. Il faut préserver la BBC des interférences étatiques et politiques.»

The Times (GB) /

Une couverture biaisée qui sape la confiance

The Times juge justifiée la critique à l'encontre de la BBC et revendique une plus grande impartialité :

«Si la BBC, dont le financement est public, est plus vulnérable à l'idéologie partisane que tout autre institution, l'argument en sa faveur se délite. … Une couverture biaisée de sujets controversés comme le sexe et le genre n'est pas seulement le produit d'erreurs, mais aussi celui d'un parti pris culturel et institutionnel. La BBC a besoin d'une nouvelle direction qui consolide les directives d'impartialité et signale qu'il n'y a pas de place, en son sein, pour des collaborateurs qui cherchent à saper ces principes – et partant, la confiance du public dans toute la BBC.»